Le livre d’Aline Apostolska m’a beaucoup touchée; il y est question d’immigration, d’adoption, d’intégration et de filiation. L’auteure aborde ces sujets sensibles de manière frontale, sans détour, sans faux-semblants et exprime les véritables ressentis de ses personnages sans se soucier d’être ou de ne pas être politiquement correct.
C’est à travers trois générations que se déroulent ces migrations entre le Vietnam, le Québec et les États-Unis.
Il y a tout d’abord les parents quittant le Vietnam en 1975 à qui l’on confie un enfant qui n’est pas le leur. Immigration, adoption et intégration dans un nouveau pays se font alors simultanément. Dans un tel tourbillon d’émotions et de défis à relever, les valeurs essentielles sont les seules bouées auxquelles se raccrocher. Pour Kim et Tien, ce sont la bonté et la bienveillance envers leurs enfants et l’acceptation de leurs statuts respectifs avec le moins possible de regrets et de rancœur puisqu’ils se reconnaissent, malgré tout, privilégiés.
Puis, il y a Mark/Chung, le fils adoptif (qui n’est plus désormais le seul enfant du couple). À l’image de ses parents, il a gagné sa place dans la société et vit de manière aisée, est aimé de sa famille, respecté dans son travail et fortement lié à sa femme qui deviendra sous peu la mère de son enfant. Tout va bien! Pourquoi dès lors fouiller le passé? Il n’en éprouve personnellement pas le besoin.
Sa mère adoptive par contre tient à lui faire part d’éléments légués par sa mère biologique afin, pour elle, d’aller jusqu’au bout de sa démarche avant de mourir.
La future mère de son enfant, au moment d’ajouter un nouveau maillon à la chaîne généalogique, souhaite également que la lumière soit faite sur ce mystérieux passé. Elle veut ainsi que d’éventuelles blessures soient pansées et que tout soit clair pour chacun afin d’établir des fondations solides sous les pieds du nouveau-né, sans zones d’ombre.
Mark/Chung n’a donc pas le choix de regarder en arrière, malgré lui.
Nulles révélations inattendues ici, ni grands dévoilements de secrets enfouis, non, juste la confrontation avec ce qui nous habite par-delà les années et les frontières : notre identité.
Avec cette lecture, je participe au challenge « Un mot, des titres » chez Aperto Libro.
Sur le thème du déracinement, je vous invite également, si ce n'est déjà fait, à lire « La petite fille de Monsieur Linh » de Philippe Claudel.
Et sur celui de l'identité, je veux partager avec vous ici ce que disent à ce propos Martine et Philippe Delerm dans leur très beau livre : « Fragiles » :
« Je
n'aime pas cette question que je me pose.
Je voudrais aimer la réponse,
seulement.
Entre les miroirs, seuls les autres me voient.
Alors je fuis,
je vis, je me sens libre, je m'oublie.
Les autres me reconnaissent, et
ne me connaissent pas.
Je reviens au miroir.
Je crois quelquefois me
connaître - et je ne me reconnais pas. »
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